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Autisme et sélectivité alimentaire : le rôle des aliments sûrs


Une petite fille qui porte un chapeau rose, un tee shirt bleu et un gilet jaune en train de manger une glace.

Chez les personnes autistes, que ce soit chez les enfants, les adolescents ou même les adultes, la sélectivité alimentaire est très fréquente. Et ce n’est pas simplement une question de goûts. Il s’agit d’un besoin de constance, de prévisibilité, de sécurité autour de l’alimentation.


Très souvent, les mêmes aliments sont consommés chaque jour. Ce sont ce qu’on appelle les aliments “sûrs".


Chez les enfants et les adolescents autistes, ces aliments sont majoritairement transformés : chips, nuggets, poissons panés, pâtes, gâteaux industriels… tout sauf des fruits ou des légumes.


En tant que parent, on se retrouve souvent démuni face à cette sélectivité. On sait qu’une alimentation variée et équilibrée est essentielle, à la fois pour la santé physique et mentale. Alors on s’inquiète, on cherche des réponses, on essaie de faire changer les choses.Mais ce que beaucoup ignorent encore, c’est pourquoi ces enfants ne mangent que ces aliments-là, et parfois, uniquement d’une marque précise.


Pourquoi la sélectivité alimentaire est-elle aussi présente dans l'autisme ?

Avant de parler des aliments sûrs et de leur rôle, il est important de revenir sur un fait bien documenté : la sélectivité alimentaire est très fréquente chez les personnes autistes, dès le plus jeune âge, et parfois tout au long de la vie.


Des recherches récentes, notamment une revue systématique récente publiée en novembre 2024 dans Tidsskriftet rapporte une prévalence de la sélectivité alimentaire chez les enfants et adolescents autistes variant entre 21 % et 76 %. Elle est bien plus marquée que dans la population neurotypique, et ne peut pas être réduite à de simples préférences ou à des “caprices”.


Cette sélectivité peut prendre plusieurs formes :

  • refus de certains groupes alimentaires (comme les fruits ou les légumes),

  • rejet de certaines textures ou couleurs,

  • intolérance aux changements dans la présentation ou la marque d’un même aliment,

  • préférence très marquée pour des aliments spécifiques, souvent transformés.


Chez les personnes autistes, en particulier chez les plus jeunes, on retrouve très souvent une attirance pour des aliments gras, sucrés et transformés : pâtes, frites, gâteaux, nuggets, chips, etc.


Ces aliments sont en réalité ce qu’on appelle des aliments “sûrs". Et s’ils reviennent aussi souvent dans l’alimentation des enfants autistes, ce n’est pas un hasard. Ils offrent une forme de prévisibilité : le goût, la texture, l’odeur, l’apparence changent très peu d’un jour à l’autre. C’est cette constance qui les rend rassurants.


Qu’apportent les aliments sûrs aux enfants autistes ?

Pensez à la dernière fois où, après une journée épuisante, vous avez eu envie d’un aliment bien précis. Pourquoi ce choix-là ? Qu’est-ce qui, dans cet aliment, vous a semblé rassurant ou réconfortant ?


Beaucoup d’entre nous se tournent alors vers des chips, du chocolat, ou d’autres aliments familiers. Ces aliments sont prévisibles. On sait à quoi s’attendre. Leur goût, leur texture, leur apparence ne changent pas. Et cela suffit souvent à procurer un sentiment de stabilité.


Ils ne sont pas choisis par hasard : ils offrent un repère sensoriel constant, dans une journée marquée par l’imprévu ou la fatigue. Ce sont, pour beaucoup, des aliments “sûrs".


Chez les enfants autistes, la logique est similaire; mais avec des enjeux bien plus marqués.


La sélectivité alimentaire qu’ils présentent n’est pas un caprice, ni un rejet volontaire. Elle s’appuie sur ce même besoin de prédictibilité, dans un quotidien où chaque variation sensorielle peut devenir difficile à gérer.


Prenons un exemple simple :

Dans une barquette de fraises, il y a de grandes chances que chaque fruit ait un goût, une texture et une odeur différents. L’une sera juteuse et sucrée. Une autre, plus dure, sera acide. Rien n’est vraiment constant.


À l’inverse, dans un paquet de chips, chaque chips est identique. Même goût. Même texture. Même couleur. Ce sont précisément ces caractéristiques stables et reproductibles qui en font un aliment "sûr".


C’est pour cette raison que, chez de nombreux enfants autistes, les aliments “sûrs” occupent une place centrale : ils apportent la prévisibilité sensorielle dont ils ont besoin pour rester régulés au quotidien.


Comment la prévisibilité sensorielle agit sur la régulation du système nerveux ?

Chez les personnes autistes, les sensibilités sensorielles sont fréquentes et bien documentées. Une étude parue en 2022 dans Frontiers in Integrative Neuroscience rapporte que plus de 90 % des enfants et des adultes autistes présentent une sensibilité sensorielle marquée. On parle aussi parfois d’hyperréactivité sensorielle ou de défensivité sensorielle.


Ces sensibilités touchent les cinq sens : goût, toucher, odorat, audition et vue.Mais elles ne se manifestent pas de la même manière chez chaque personne. Un enfant peut être très sélectif sur la texture, un autre sur la température, un autre encore sur la présentation ou même sur la marque précise de l’aliment.


Ce que ces enfants recherchent, parfois sans pouvoir l’exprimer, c’est une expérience sensorielle stable et prévisible.


Le cerveau, en situation de sensibilité élevée, a plus de mal à gérer les variations d’intensité, les surprises, les combinaisons inhabituelles. Cela peut générer une surcharge rapide, surtout si l’aliment active plusieurs canaux sensoriels à la fois (texture, goût, odeur, couleur…).


Les aliments “sûrs” ont ceci de particulier : ils réduisent l’incertitude. Ils ont toujours le même goût, la même texture, la même apparence.Pour un système nerveux qui cherche à se protéger des imprévus, cette constance sensorielle est essentielle. Elle permet de limiter l’activation des mécanismes d’alerte, et donc de préserver un certain équilibre.


Être parent d’un enfant autiste qui a une sélectivité alimentaire n’est pas facile

Quand on est parent d’un enfant autiste qui a une sélectivité alimentaire, il est normal de s’inquiéter. On sait qu’une alimentation variée est essentielle pour la santé de son enfant, alors on cherche des solutions, on tente de diversifier, on propose d’autres choses. Mais bien souvent, on se heurte à des refus, à une impossibilité et à un rejet total.


On insiste, on essaye encore, puis on finit par céder. On sert à nouveau ces aliments “sûrs”, parfois avec la sensation de ne pas faire assez, parfois avec un peu (beaucoup) de culpabilité.


Et pourtant, il n’y a rien d’anormal à cela.

Ce n’est pas un manque d’effort, ce n’est pas un échec. C’est simplement que ce n’est pas facile. Ce que vit l’enfant est réel, ce qu’il cherche à éviter l’est aussi, et les ressources des parents ne sont pas inépuisables.


Comprendre ce que ces aliments représentent pour lui, une forme de stabilité, une sécurité sensorielle, permet souvent de porter un autre regard sur cette sélectivité. Et ce changement de regard est un premier pas. Pas pour rester là, pas pour tout accepter, mais pour envisager autrement les prochaines étapes. Des actions plus justes, plus adaptées, plus efficaces.


Cela ne se fait pas en quelques jours, ni en quelques semaines. Parfois, pas même en quelques mois. Mais c’est possible…doucement mais sûrement.

 
 
 

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