"Troubles du comportement" chez les enfants autistes et avec TND : Pourquoi je n'utilise pas ce terme
- Sonia Hamiane
- 5 avr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 avr.

Avant d’accompagner les parents, j’ai été cette maman aidante perdue devant un mot inscrit noir sur blanc dans un bilan : troubles du comportement.
Je l’ai pris au sérieux, parce que c’était écrit par des professionnels. Mais avec du recul, je me rends compte que je l’ai mal compris. Je pensais que c’était quelque chose à faire disparaître, à corriger. Je n’avais pas encore les clés pour comprendre ce que vivait mon enfant.
Et même une fois devenue professionnelle, je continuais à entendre ce terme partout. Aujourd’hui, et depuis très longtemps, je n’y adhère plus. Parce qu’il ne dit rien de ce que vit réellement l’enfant. Et parce qu’il peut bloquer la compréhension, là où il faudrait d’abord écouter.
Une expression largement utilisée dans le champ de l’autisme : les "troubles du comportement"
Une formulation ancrée dans le champ médico-éducatif
L’expression "troubles du comportement" est née dans un contexte médical et éducatif. Elle désigne tout comportement jugé déroutant, gênant ou "hors norme".
Elle structure les bilans, les demandes MDPH, les projets d’accompagnement. Elle est utilisée comme une évidence. Mais à force de l’utiliser sans nuance, on oublie d’interroger ce qu’elle recouvre réellement.
Conséquences sur les familles et les pratiques professionnelles
Quand on parle de troubles du comportement, on parle souvent à la place de l’enfant. On résume ses gestes à un symptôme, ses cris à une opposition, ses réactions à un problème.
Pour les familles, le message est clair : "il est ingérable", "elle pose problème", "il faut corriger cela". Pour les professionnels, cela peut créer une distance émotionnelle. On cherche à faire taire un comportement, pas à en comprendre la cause.
Cette vision est réductrice. Et elle est parfois violente, même involontairement.
Pourquoi je n’adhère pas à cette expression
Une lecture trop centrée sur le comportement visible
Le terme troubles du comportement focalise sur ce qui se voit : frapper, crier, se rouler par terre, s’opposer. Mais ce sont souvent des signaux. Des appels au secours silencieux. Des stratégies pour gérer un environnement trop intense. Des moyens d’exister, parfois, quand les mots manquent.
En se concentrant uniquement sur le visible, on passe à côté de ce que vit vraiment l’enfant. Et on risque de chercher à "corriger", plutôt qu’à soutenir.
Mon expérience de terrain auprès des parents
J’accompagne depuis 2017 des parents d’enfants autistes ou avec TND. Beaucoup me partagent la violence ressentie en lisant cette mention dans un bilan : "Présente des troubles du comportement."
Une maman m’a dit un jour : "On dirait que mon fils est un danger public. C’est écrit comme s’il fallait le réparer."
C’est en parlant avec ces familles que j’ai choisi de dire autrement. Je préfère les termes difficultés comportementales, manifestations liées à une dérégulation, ou encore comportements de protection.
Ces mots ouvrent. Ils laissent place à la nuance, à l’humanité. Ils invitent à comprendre, plutôt qu’à juger.
Et si on parlait autrement des comportements des enfants autistes ?
Comprendre les comportements comme des signaux
Quand un enfant frappe, crie, jette ou s’oppose, ce n’est pas juste un trouble. C’est un message. Un signal que quelque chose ne va pas.
Il peut être en surcharge sensorielle. Il peut se sentir perdu, envahi, dépassé. Il peut avoir besoin d’une pause, d’un repère, ou simplement d’être compris.
Chez les enfants autistes ou avec TND, beaucoup de comportements sont des réponses à un environnement qui ne leur convient pas. Ce ne sont pas des caprices. Ce ne sont pas des provocations. Et surtout, ce ne sont pas des comportements à faire disparaître.
Les parents que j’accompagne me le disent souvent : "Quand je regarde autrement, je comprends mieux ce qu’il essaie de me dire."
Ce que je propose dans mes accompagnements
Je n’utilise plus le mot troubles du comportement. Je préfère parler de manifestations liées à un besoin non exprimé, ou simplement de difficultés comportementales. Parce que ça change tout.
Cela remet l’enfant au centre. Cela invite à chercher ce qui se passe pour lui, au lieu de chercher à supprimer un comportement.
Dans mes accompagnements, je propose aux parents :
d’observer ce que l’enfant vit, pas seulement ce qu’il fait,
de faire des liens entre ses réactions et son environnement,
d’adapter, de prévenir, de soutenir.
Pas avec des recettes. Mais avec des stratégies concrètes, adaptées à chaque famille, à chaque enfant.
Pendant longtemps, j’ai cru que ce terme m’aidait à comprendre. Mais il m’a surtout éloignée de ce que vivait réellement mon enfant.
Aujourd’hui, je suis convaincue que changer de vocabulaire permet aussi de changer de regard. Et ce changement peut être un véritable tournant dans votre façon d’accompagner votre enfant.
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Très intéressant et si juste ! J'utilise moi-même ce terme et en lisant ton article, je prend effectivement conscience qu'il peut parfois m'induire en erreur. Merci pour ce partage Sonia !